I/GÉNÉRALITÉS

La sexualité des humains  touche à  l’éthique  (éthique vient du grec êthikos, êthos qui signifie les mœurs  – l’éthique désigne la science de la morale) car au-delà du processus organique hormonal prévu pour la reproduction , elle est très intimement liée à la relation affective avec autrui.  A la maturité génitale, l’homme et la femme ne se rencontrent pas uniquement pour procréer, comme les animaux, mais pour exprimer quelque chose de leur personnalité, de leur être au monde dans la relation avec autrui. Cette dimension spécifiquement humaine est présente dès le début de la vie car l’enfant est organisé  pour entrer en relation avec son entourage et établir des échanges affectifs qui humanisent la sexualité génitale. Il est bon de distinguer d’une part la sexualité, du sexe mâle ou femelle,  de la  génitalité  .

La génitalité (du latin: genitalis, qui engendre)  étant un mot utilisé pour exprimer l’activité des organes sexuels de reproduction. Alors que la sexualité est l’activité relationnelle sexuée d’un individu  envers  un autre.

Les enfants ont donc une sexualité orientée vers l’humain, qui dès la naissance, est un processus physiologique et affectif continu qui se développe et se transforme en même temps que tous les autres éléments qui participent à son développement  psychocorporel

 II/LA SEXUALITÉ DES ENFANTS

La sexualité infantile  se constitue en même temps que la capacité de sentir, de penser, d’éprouver des sentiments, de construire des images, de créer, de rêver, de conceptualiser,  d’imaginer, de symboliser. Mais  continuité ne veut pas dire  identité.(1)

Le gazouillis d’un bébé dans son berceau ne ressemble pas à un discours adulte. Pourtant si ce gazouillis n’existe pas, le langage ne pourra se développer normalement.

 Les mouvements de pédalage d’un bébé ne ressemblent pas à la marche d’un adulte, mais si ce pédalage ne se met pas en place, la marche future sera déficiente voire absente.

                       Il en est de même pour la sexualité.

La sexualité d’un bébé et d’une jeune enfant exige des conditions de développement et d’épanouissement qui, si elles  ne sont  pas satisfaites,  entravent la sexualité adulte à tous les niveaux: sensoriel, génital, affectif, représentatif.

La pulsion sexuelle infantile décrite par S.Freud (2) est un mouvement de vie tournée vers l’objet de la satisfaction, elle s’apparente ainsi au besoin. Mais elle reste liée à l’immaturité génitale dans ses fonctions génitales et représentatives. Aussi les érections du bébé et les sensations de plaisir qu’il éprouve sont le signe d’une bonne vitalité mais en aucun cas, sauf si l’adulte excite l’enfant, représentent la marque d’un désir sexuel tel que nous le comprenons d’adulte à adulte.  

 Pour tous les humains, il y a un ordre et une organisation dans le développement de la sexualité, seuls peuvent différer les rythmes de développement qui sont dépendants du climat, de la culture et des organisations sociales: dans certaines civilisations les filles font des bébés dès l’âge de 13 ans, dès l’apparition des règles par exemple. 

 III/LES ETAPES DE  LA SEXUALITÉ DE L’ENFANT

La sexualité  infantile ne peut pas se réduire à une succession de stades mais elle est  intimement liée à la maturation des organes sensoriels, à la capacité mentale de se représenter les évènements. Aussi,nous pouvons observer des grandes lignes de développement qui se déliteront en présence d’attitudes séductrices et pervertisantes des adultes.

 A -La première période du développement psychosexuel de l’enfant est appelée période d’autoérotisme de la naissance à la fin de la première année.

 Dès le début de sa vie, l’enfant a une activité sensuelle fondamentale et riche.  Il utilise ses sens comme le goût, la vue, l’ouie, le tact, l’odorat comme des moyens d’appréhender et de connaître le monde externe et notamment ses parents et ceux qui s’occupent de lui.

 Lorsque le bébé tête sa mère, il satisfait un besoin physiologique de boire mais également un besoin psychologique de rencontrer un autre individu de son espèce. Ses besoins appellent la maman à le nettoyer, à le   stimuler, à  le caresser, à le bercer, et à lui faire découvrir de nombreuses sensations de son corps.

Pendant cette  période primaire auto-érotique, l’enfant découvre son corps grâce à ceux qui s’occupent de lui, mais il a également un rôle actif dans cette découverte sensorielle.Il tête, suçote son pouce, ses poings, il se touche le nez, la bouche. S.Freud a nommé cette période “le stade oral” car le centre vital physiologique et affectif de l’enfant est la tête et plus particulièrement la bouche. Les lèvres de l’enfant jouent le rôle de zone érogène.

Puis lorsque ses bras se déplient au cours du premier trimestre, il touche son ventre et il rencontre son sexe, sans pouvoir encore le regarder. Il est dans une découverte tactile liée au plaisir.

  La sexualité du bébé est auto-érotique car l’enfant s’aime lui-même. Il ressent des sensations géitales:le petit garçon a des érections et la petite fille des sensations vaginales. L’enfant s’auto-stimule, c’est une activité auto-érotique. Le pic de cette activité normale chez le jeune enfant tombe vers 2 ans et demi. De nombreux parents interdisent cette découverte génitale, culpabilisent et humilient l’enfant. Cela peut avoir de graves conséquences pour la sexualité adulte future: refoulement du besoin de stimulations sexuelles, inhibition ou addicition masturbatoire.

  Pendant cette période, l’enfant fait l’expérience de se connaître, de s’aimer, de s’apprécier, de se sentir vivre des sensations agréables, de s’appartenir. 

 B – deuxième phase: la découverte de la maîtrise corporelle de 12 mois à 24 mois

Les expériences de découverte des sensations évoluent avec les capacités motrices du bébé, notamment la marche et les capacités de préhension. D’une certaine façon, il met en forme motrice toutes les sensations  qu’il a éprouvé dans sa première année de vie.  C’est le stade “anal” décrit paS.Freud car c’est la période d’acquisition de la propreté sphinctérienne qui se termine environ vers 3 ans. L’enfant découvre qu’il y a du plaisir à maîtriser, à utiliser sa force musculaire pour pousser ou retenir parce qu’il est accompagné par son parent.

  Lorsque l’enfant marche, il contrôle son corps dans l’espace et ses déplacements. C’est le début d’une période d’affirmation de soi à travers la maîtrise du corps et à travers l’opposition.  Il dit “NON” dès qu’il le peut. Cette seconde période de la sexualité de l’enfant, c’est la rencontre de soi et d’autrui à travers différentes formes d’affirmation de soi face aux objets et aux personnes.

C – troisième phase: la rencontre avec les autres de son âge

C’est la pulsion de savoir  de 2  ans à 5-6 ans qui est à l’oeuvre. Grâce à la marche libérée, vers 2 ans, l’enfant peut aller vers les autres d’une manière plus autonome et sa sexualité va suivre ce chemin. Il va chercher à avoir confirmation par les enfants de son âge, de ce qu’il a senti, de ce qu’il a découvert, de ce qu’il sait de son propre corps. Et il va avoir envie de regarder et de toucher le corps des enfants de son âge. Voir le sexe de l’autre satisfait un besoin d’identification.L’enfant est facilement excitable et ressent du plaisir génital et anal dans certaines expériences corporelles et à la vue de certaines scènes. Il n’est plus uniquement dans la découverte de nouvelles sensations mais dans un exercice de contrôle de ses sensations. Il apprend comme cela à accentuer et à diminuer l’intensité des sensations. Il apprend à gérer ses excitations. Il peut être également excité par un adulte malveillant: il développera alors des conduites précoces de séduction. Dans la clinique infantile(2), nous pouvons remarquer que les enfants séduits et excités par les conduites, paroles, regards des parents développent  des actes pervers. S.Freud (2) le souligne  “Il est intéressant de constater que l’enfant, par suite d’une séduction, peut devenir un pervers polymorphe”. Mais chez un enfant bientraité, il est important de ne pas traduire le besoin d’être intéressant et séduisant par un acte séducteur.

Suffisamment reconnu par son entourage, l’enfant a acquis une base de valorisation et d’estime de soi.      

Dans la théorie freudienne, cette période autour de quatre ans est fondamentale: c’est la période oedipienne. L’enfant aurait des désirs sexuels inconscients  pour son parent du sexe opposé et des désirs  de mort inconscients  vis à vis du parent du même sexe.

Il est important de souligner que cette théorie n’est pas acceptée par tous les psychologues, psychanalystes  et psychothérapeutes. La théorie de Freud concernant le complexe d’Oedipe est  analysée comme une manifestation du mécanisme de projection( attribuer à l’autre ce qu’on refuse de voir en soi). [1]    

 4 -quatrième phase:  la pulsion de savoir au service du cognitif  de 6 à 12 ans.

Vers l’âge de l’école primaire, vers 6-7 ans, l’époque où on apprend à lire et à compter. C’est à dire à reconnaître, à différencier les lettres et les chiffres pour les assembler d’une certaine façon et leur donner un sens.C’est une période de grand travail et de grande concentration intellectuels pour l’enfant.  Il est censé être  capable de rester immobile de longues heures  assis à sa table et de faire fonctionner son cerveau.

        Sa sexualité passe également par une période d’élaboration, de rassemblement des données sensorielles acquises jusqu’à présent.: c’est la période dite de latence (du latin latéré- être caché)(4).

C’est une période d’intériorisation.  Les manifestations externes de la sexualité de l’enfant sont adoucies, socialisées, retenues et réprimées. Les enfants de 7-12 ans sont très pudiques. Mais ils restent   intéressés par la sexualité en général. Dans un développement normal, l’enfant reste curieux des choses de la vie. Il utilise ses nouveaux moyens pour s’informer et découvrir.  Il sait lire maintenant et le voilà plongé dans les dictionnaires et les encyclopédies.  Il continue à s’informer auprès des copains et il ne pose plus de questions aux parents. le parent n’est plus le seul détenteur du savoir.

Pendant cette période,   les enfants digérent les informations qu’ils on t accumulées et  se préparent à l’épreuve physique et psychique de la puberté.

Après cette période de latence, pendant  l’adolescence, l ’enfant rêve qu’il va pouvoir mettre à l’épreuve de la réalité ce qu’il a emmagasiné comme sensations tout au long de son enfance. Le désir de rencontrer l’autre dans un échange et un partage corporel génitalisé s’organise différemment.  Cette période prépare à la découverte génitalisée du corps de l’autre de sexe différent et  à la sexualité adulte.

   Ces 5 périodes  s’inscrivent dans une continuité  et dans un étayage psychosexuel. Aussi la qualité des relations affectives dans les premières années de vie de l’enfant  déterminent en grande partie la qualité de la sexualité adulte

(1) 1980.D.Winnicott.de la pédiatrie à la psychanalyse.PBP.Paris.

 (2)1905.Freud,S. Trois essais sur la théorie de la sexualité.Idées/Gallimard.1981

(3)1998.Robert-Ouvray,S. 1998. Enfant abusé, enfant médusé.Paris.Desclée de Brouwer.

(4)2003.D.Rapoport,S.D.Kipman. La sexualité “oubliée” des enfants.Stock.Paris


[1]  Serge Lebovici, « Quelques propos d’un psychanalyste sur les controverses concernant !es découvertes freudiennes sur l’inceste et l’Oedipe » article paru dans un ouvrage collectif, « Le traumatisme de l’inceste’, p. 101, PUF 1995)